Bilans d’évènement
Rachid Razzak, directeur du développement durable de la CINOR : « La collaboration entre Maurice et La Réunion ne fait que débuter ».
La communauté intercommunale du nord de la réunion (CINOR) est une communauté d’agglomération française de la réunion. Son directeur du développement durable Rachid Razzak était à Maurice dans le cadre de la conférence sur l’économie circulaire organisée par le ministère de l’Environnement du 25 au 27 mai derniers. Il partage avec le journal des archipels son appréciation de cet événement.
Quel est l’essentiel de ce que vous avez présenté ?
À l’occasion de la conférence nationale sur l’économie circulaire à Maurice, la CINOR a été invitée à présenter son retour d’expérience sur sa gestion des déchets ménagers et les enjeux liés à l’émergence de l’économie circulaire sur son territoire. Avec seulement un tiers des déchets valorisés et la saturation prochaine du centre d’enfouissement, il y a urgence, pour nous, à développer les modes alternatifs de recyclage et de réemploi. La CINOR a entrepris le tri des déchets, il y a maintenant 20 ans avec l’ajout d’un second bac jaune pour les emballages et un parc de bornes à verre. Le geste de tri, en évolution constante, permet de collecter 43 kg/habitant (30kg d’emballages + 13 kg de verre). Nous avons également investi durant toutes ces années dans le développement d’un réseau de déchetteries : 11 à ce jour avec 2 nouvelles en études. Une ressourcerie est ouverte depuis 2015 et une seconde sera en construction dès cette année pour une ouverture en 2023. Ces équipements de proximité permettent de collecter pour les filières de valorisation une quantité croissante d’encombrants et de ferrailles notamment. L’usage de l’apport en déchetterie est aujourd’hui entré dans les habitudes de nos concitoyens, puisque nous collectons deux fois plus d’encombrants en déchetteries qu’en porte-à-porte (11 000 tonnes en déchetteries contre 5 000 tonnes en porte-à-porte).
Néanmoins, pour respecter les objectifs fixés par la loi sur le gaspillage alimentaire et l’économie circulaire, dite Loi AGEC de 2020 (qui impose de n’enfouir que 10% des déchets ménagers), nous devons impérativement accroître cette part de déchets valorisés.
C’est dans ce contexte règlementaire exigeant et ambitieux, que les collectivités compétentes en matière de gestion des déchets ménagers, comme la CINOR, doivent innover et faire émerger sur leur territoire de nouvelles pratiques. La CINOR accompagne le milieu associatif, les bailleurs sociaux, les entreprises et les porteurs de projets pour développer ensemble l’économie circulaire sur son territoire.
Nous avons voulu montrer que la CINOR a su tirer parti de ce contexte pour accompagner une série de projets en matière de prévention des déchets et de valorisation locale. Nos efforts ont été reconnus au niveau national par l’attribution du label « Territoire engagé dans la transition ». Il s’agit d’un retour d’expérience de 20 ans, avec ses forces et faiblesses, qui doit venir alimenter la réflexion sur la stratégie de développement de l’économie circulaire à Maurice.
Forte implication du gouvernement mauricien à accélérer la transition écologique - quels sont, selon vous, les points saillants de cette conférence ?
Il ressort de ces 3 jours de séminaire, une forte implication du gouvernement mauricien à accélérer la transition écologique de son territoire. Quatre ministres ont été mobilisés à la réussite de cette manifestation. M. Ramano, ministre de l’Environnement, de la gestion des déchets et du changement climatique, a été présent tout au long de ces trois jours et a suivi attentivement toutes les présentations. On en déduit un fort portage politique pour œuvrer de concert à la conduite des projets de tri sélectif des déchets et de développement de l’économie circulaire sur l’Ile sœur.
L’un des autres points forts aura été la démonstration de la prise d’initiative du secteur privé en faveur de l’économie circulaire. De nombreuses initiatives dans divers secteurs agro-alimentaires, énergies ou BTP, ont en effet été présentés. Nos divers échanges avec les acteurs locaux laissent à penser que l’île Maurice est enfin prête à assumer une véritable politique de développement durable pour son territoire.
Le portage politique, les initiatives des secteurs privés et associatifs témoignent d’une réelle synergie en faveur de la transition écologique à Maurice.
Que peut-on ou doit-on espérer maintenant ?
Nous avons insisté, auprès du ministère de l’Environnement, sur la nécessité préalable de définir un cadre réglementaire claire définissant les responsabilités de chacun et d’établir une véritable fiscalité du déchet pour permettre le développement des filières à responsabilité élargie au producteur (REP) et le tri sélectif des déchets ménagers.
Une communication tout au long du processus est aussi à prévoir pour accompagner les administrés aux nouveaux gestes de tri pour en garantir l’adhésion et la pérennité.
Nous avons convenu qu’une délégation mauricienne viendrait, dans les prochains mois, visiter nos installations (déchetteries, ressourcerie, centre de valorisation multi-filières…). La collaboration entre Maurice et La Réunion ne fait que débuter. La stratégie des modes de gestion des déchets reste à concevoir selon la hiérarchie de traitement des déchets : prévention, réduction, réemploi, recyclage et valorisation. Le développement des filières REP prendra aussi un certain temps. Même si le monde économique est déjà pleinement mobilisé sur le sujet.
Tout reste à écrire. Tout reste à faire. Mais, cette conférence a fait la démonstration que Maurice est aujourd’hui prêt à répondre à son niveau à l’urgence climatique mondiale.
Source : Le Journal des Archipels